Le Torrent Santo Pietro di Venaco
Le Torrent Santo Pietro di Venaco
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Les Pozzo di Borgo





Le comte François-Xavier Pozzo di Borgo





Paul Pozzo di Borgo
La demeure fut bâtie à Santo Pietro di Venaco dans la deuxième partie du XIXe siècle par le comte François-Xavier Pozzo di Borgo (1837-1907), petit-neveu du célèbre Charles André Pozzo di Borgo (1764-1842). Ce dernier, diplomate, ambassadeur en France du tsar Alexandre de Russie, est surtout connu pour avoir été l’ennemi juré de Napoléon.

La bâtisse avait tout d’abord l’aspect d’un chalet de trois étages, avec deux grandes portes-cochères ouvrant sur les écuries. Elle a été construite par le comte héritier qui avait fait appel à plusieurs médecins afin de repérer un lieu de Corse qui serait clément à sa santé d’asthmatique. C’est le Venacais qui fut choisi en raison de son doux climat.

Le chalet avait été conçu comme une maison de montagne, dans laquelle la famille Pozzo di Borgo et ses beaux-parents, les Peraldi, pourraient séjourner. Dans ce cadre bucolique, à plus de sept cent cinquante mètres d’altitude, dominé par le sommet du Cardo (2453 m) et bercé par le bruit du torrent voisin — le Misognu — le comte fit planter des allées de tilleuls et de pins. Il aménagea aussi des places ombragées et un parc aux nombreuses essences d’arbres (érable, marronnier d’Inde, aulne…), le tout au milieu de châtaigniers séculaires.

Lorsqu’en 1883, le duc Jérôme Pozzo di Borgo (1832-1910) commença à construire le château de la Punta à Alata avec les pierres des Tuileries, son frère — le comte François — venait de terminer le sien : un nouvel édifice perché sur le mamelon de Saint-Pierre-de-Venaco, à quelques centaines de mètres de son chalet.

Après la construction du chateau de Saint-Pierre, le chalet continua à être habité par les familles du comte Pozzo di Borgo et du comte Peraldi.

* * *
En 1887, l’écrivain Émile Bergerat (1845-1923), neveu de Theophile Gautier, s’arrêta sur les terres de Pozzo di Borgo à Saint-Pierre-de-Venaco. Il est accompagné du prince Roland Bonaparte, botaniste et petit-fils de Lucien Bonaparte. Son souhait aurait été, dit-il,
« d’assister à une réconciliation bien française entre les petits-neveux » de Napoléon et ceux de Charles André Pozzo di Borgo « qui eût fait son bruit dans le monde »*

L’écrivain, qui n’osa frapper à la porte de la demeure du comte, se fit photographier sous les châtaigniers «
 monstres » — comme il les appelle — de la « Nepita », en face du chalet. Là, il se livra à la réflexion suivante :
« L'implacabilité de Pozzo fut effrayante.

Sa ténacité égale celle d'Ulysse, auquel il ressemble, et dont il renouvela la vie nomade, odyssée véritable de la haine, qui n’a pas encore trouvé d’Homère.
Lorsque l’aigle tomba à Sainte-Hélène, battit des ailes et mourut, Pozzo di Borgo, qui l’avait jeté là, poussa encore un cri de joie dans l’orage :
« Ce n'est pas moi qui ai tué le petit Bonaparte, mais je l’enterre ! Dieu soit béni ! »
Et de fait il lui survécut vingt et un an, triste, malade et comme désœuvré de n’avoir plus son ennemi. Ah ! quel Corse encore que celui-là, et quelle vendetta épique que la vie de ce diplomate !
 Il m'apparaît surtout comme un type du grand seigneur autochtone, du chef de clan, et c'est ainsi que je l'évoque sous les châtaigniers colossaux (les plus vieux de la Corse) de son domaine de Venaco.
Mais qu'est-ce que Napoléon lui avait fait, à ce Carlo-Andrea ?
On se le demande.
Sur l'un des châtaigniers énormes — d’un périmètre de neuf
mètres et demi et d'une hauteur concordante, — nous avons recueilli un champignon gros comme une ombrelle d'enfant. Il vivait là, ce parasite, du surcroît de sève du colosse, et peut-être
en était-il jaloux !
Notre cocher nous a priés de le lui donner si nous n'en faisions rien. « Nous les mangeons en Corse, nous a-t-il dit. Ils ne valent pas les châtaignes, mais ils en ont un peu le goût, et en omelette c'est un régal du pays ! »
Nous lui avons laissé son Pozzo di Borgo... je veux dire son cryptogame. »**


* * *
À la fin du XIXe siècle, la famille du comte, les Peraldi, ainsi qu’amis et invités, continuaient de loger au chalet. En 1895, Paul Émile, l’unique fils du comte Pozzo di Borgo, décéda à l’âge de 19 ans, à la suite d’un accident de cheval.

* Émile Bergerat, La chasse au mouflon ou petit voyage philosophique en Corse, Librairie Ch. Delagrave, 1893, p. 107.
Poète et dramaturge, très représenté de son vivant, Émile Bergerat était également chroniqueur dans les journaux
Voltaire et Le Figaro, ainsi que membre de l’académie Goncourt.
** Ibid., p. 111.


F-X. Pozzo di Borgo attablé à droite, sur la place de l'hôtel du Torrent.

Les châtaigniers "monstres" de Saint-Pierre-de-Venaco




Les « châtaigniers monstres » dans le terrain dit « a Nepita », à Santo-Pietro-di-Venaco (Cf. Émile Bergerat, La chasse au mouflon ou petit voyage philosophique en Corse, Ibid., p. 109).

Ces arbres remarquables ont été abattus après la maladie de l’encre qui ravagea la région en 1907. Il reste toutefois encore quelques châtaigniers séculaires dans le vallon du torrent et sur le lieu dit « a Nepita ».

Photo à droite: Emile Bergerat et Roland Bonaparte sur le terrain dit "A Nepita", en face de l'hôtel du Torrent



La fondation de l'hôtel du Torrent


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André Mariani


En 1896, la bâtisse fut transformée en auberge par André Mariani. Celui-ci — que le comte Pozzo di Borgo considérait désormais comme son fils — devint premier saucier de France. En 1898, il fonda officiellement l’ « hôtel du Torrent ».

Le site, à mi-chemin entre Ajaccio et Bastia, était une étape idéale pour les voyageurs de Corse et d’ailleurs.

L’hôtel, ainsi que son restaurant gastronomique, gagna très vite en réputation en cette fin du XIXe siècle où la Corse devenait très prisée par les touristes anglais et du continent, attirés par la beauté des paysages insulaires.





"Un joli séjour très fréquenté"





L'hôtel du Torrent, début 1900 (photographie de Joseph Moretti).


1904
(photographie de Joseph Moretti).

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1911


L‘Été venant, nombreux étaient les Corses qui quittaient les zones côtières pour la montagne, où l’air était plus frais. Le Guide Hachette de 1915 présente l’hôtel du Torrent comme une station estivale où les Ajacciens pouvaient ainsi séjourner en pension dans des « appartements meublés ».

Le train facilitait les déplacements et, pour les clients qui descendaient à la gare de Venaco, il leur était proposé de venir les chercher en petit cabriolet pour la modique somme de 2 francs 50. À noter que la pension était plus chère l’hiver (7 francs) que l’été (6 francs), notamment en raison du coût du chauffage.

Situé au cœur de la Corse, l’hôtel du Torrent avait la cote auprès des notables de l’île. D’un grand confort, on y disposait de l’eau à tous les étages et du téléphone (ce qui était rare à l’époque dans les villages du centre).
Le Guide de la France Sud-Est (Hachette) de 1929 précise que l’hôtel est « dans une jolie situation » et qu’il s’agit d’un « joli séjour d’été très fréquenté ».






L'occupation et le sortir de la guerre




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Carte postale de l’hôtel du Torrent, publiée aux éditions Pergola.

Mathieu Mariani,
fils d’André Mariani.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, la Corse est occupée par les Italiens et les Allemands. En 1942, l’état-major de l’armée italienne établit son siège à Corte, tandis que le commandement de l’aéronautique réquisitionna les chambres de l’hôtel du Torrent.

Le 5 octobre 1943, la Corse était libérée. Le 8 octobre, Charles de Gaulle arriva à Ajaccio. Le général passa trois jours dans l’île. Dans son trajet le long de la nationale, il fut accueilli au bord de la route, dans le parc de l’hôtel, par les gaullistes qui le soutenaient, dont la famille Mariani.

* * *


Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise familiale fut reprise par Marie-Françoise née Grimaldi (1915-2004) — affectueusement appelée “Fanfette” — et son époux Mathieu Mariani (1903-1980). Ce dernier, fils de feu André Mariani, avait pris sa retraite de sous-officier, à la suite d’une carrière militaire de quinze ans, commencée durant la guerre du Rif et poursuivie dans la coloniale, en Indochine particulièrement.

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En 1960, le couple acheta l’établissement à la famille Donati, qui avait acquis le bien des Pozzo di Borgo en 1917.


Marie-Françoise, née Grimaldi, épouse Mariani.




Ecrivains, artistes et personnalités




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Le Torrent "U Misognu". Photo du film Le Refuge de Léon Mathot (1930).




Extraits d'
Amour corse, de Gaston Colombani

Dédicace de Marcel Pagnol, août 1962
Durant tout le XXe siècle, l’hôtel-restaurant fut fréquenté par des écrivains et artistes.

En 1929, ce
« lieu de rêve » aux « chambres spacieuses et parfumées » inspira plusieurs pages du roman Amour corse de Gaston Colombani (1875-1936)*. La dernière nuit passée à l’hôtel par les protagonistes du récit est ainsi décrite : « Seul le bruit du torrent à côté troublait le silence du lieu. L’air était surchargé d’aromes. Cependant, l’âme encore tout imprégnée de cette poésie du soir, les jeunes gens allèrent se coucher, non sans vouloir garder les fenêtres ouvertes, afin, dirent-ils, de laisser pénétrer dans leur chambre et sur leur sommeil, le baiser rafraîchissant des espaces »**.

Un an plus tard, certaines scènes du film
Le Refuge de Léon Mathot sont tournées aux abords de l’hôtel du Torrent. L’équipe y séjourne pour filmer le cours du Misognu, les montagnes, les ruelles et les paysages naturels de Saint-Pierre, de Lugo et de Poggio di Venaco.

Dans cet hôtel, y venait aussi celui que l’on surnommait « U Sampetracciu » : en plus d’être le fondateur du théâtre di A Muvra, un remarquable écrivain et poète corse, Ghiannetu Notini (1890-1983) était également un admirable danseur de tango. Dans les années 50-60, il était un assidu du cabaret-discothèque que les époux Mariani avait créé à l’« annexe » du Torrent. Ce client aux cheveux noir ébène resta fidèle à l’hôtel jusqu’à sa mort.

* Gaston Colombani, Amour corse, roman de mœurs corses, La renaissance littéraire, Paris, 1929 (Cf. p. 223-230), préf. De Paul Brulat.
Gaston Colombani était écrivain, journaliste, fondateur et directeur des journaux
Cri de France et Paris-Corse.
** Ibid., p. 230.

Dans les années 60, on pouvait voir sur la terrasse du restaurant, à l’ombre des tilleuls, l’écrivain et cinéaste Marcel Pagnol (1895- 1974). Dans le même registre, José Giovanni (1923-2004) s’installa, en 1966, à l’hôtel du Torrent pour tourner certaines scènes de
La Loi du survivant dans Corte et ses environs. Il séjourna plusieurs jours, accompagné de son équipe et des acteurs Michel Constantin et Alexandra Stewart. La chambre n°16 du vieil hôtel servit alors de décor pour le film.

Parce qu’il avait des origines familiales à Saint-Pierre-de-Venaco — dont sa grand-mère Faustine Tomasi, née Ristori, parente avec la famille Mariani et épouse du photographe Ange Tomasi (1883-1950) — le comédien Philippe Léotard venait en pension au Torrent, notamment en compagnie de Nathalie Baye ou de Bernard Lavillier. Il en allait de même pour son frère, l’ancien ministre François Léotard.

D’autres artistes fréquentèrent l’établissement, à commencer par les chanteurs et musiciens corses : Jean-François et Alain Bernardini du groupe I Muvrini (ils firent des concerts dans les années 80 dans le terrain dit « a Nepita »), Antoine Ciosi, Maryse Nicolaï, Jean-Paul Poletti, Regina et Bruno, Charles Rocchi, Tino Rossi, etc.

De nombreuses personnalités étaient des habitués du lieu. Elles ne peuvent pas toutes être citées. Signalons en seulement une d’exception : l’ancien président de la République, Georges Pompidou, qui en simple client était venu manger les
fritelle directement dans la cuisine du vieil hôtel. Son épouse Claude reviendra régulièrement après la mort de son mari en 1974.

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L’hôtel du Torrent vu par le photographe Ange Tomasi (© Editions A. Tomasi).


Les années dancing (1950-1960)



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Des jeunes filles de Riventosa se rendent au dancing du Torrent (1953, © Thér. Ottaviani)

Dans les années 50, Matthieu et Marie-Françoise Mariani inaugurent le “dancing” du Torrent qui est, à l’époque, l’une des rares discothèques du centre de l’île. Et c’est sans surprise que le lieu attire rapidement une importante foule venue de toute la Corse. Le dancing est situé à l’annexe du Torrent, près de la route nationale. Juste au-dessus, les chambres annexées à l’hôtel sont louées malgré de bruit de la musique. Mais personne ne se plaint. Le dancing est apprécié de tous. Les plus jeunes y viennent pour danser le rock’n’roll, tandis que les plus âgés y répètent les pas de la valse, du tango ou du paso doble. Les années “dancing” du Torrent dureront jusqu’à la fin des années 60. Durant deux décennies, les jeunes filles et garçons des villages s’y rencontreront… sous les regards de leurs parents venus les surveiller.



Pendant que les jeunes dansent, la famille et les amis sont attablés près de la piste.


Années 1960-1970, l'hôtel se transforme




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Ci-dessous, l'hôtel avant transformation (coll. Mariani).


A partir des années 60, la bâtisse est agrandie à plusieurs reprises.

L’hôtel du Torrent est lui aussi réaménagé. Le rez-de-chaussée et le premier niveau augmentent en superficie et quatre grandes portes cintrées ornent désormais la façade.

Les propriétaires Marie-Françoise Mariani et son mari Mathieu transforment le dancing-discothèque en « annexe du Torrent ».

Dans les années 70, l’édifice fut à nouveau surélevé pour former son aspect définitif : un immeuble d’une quarantaine de pièces s’élevant sur trois étages, avec une face extérieure composée de cinq portes-cochères et d’une tour rectangulaire.

Cette extension constitua le nouvel hôtel avec des chambres construites en séparation de l’ancienne bâtisse, appelée aussi vieil hôtel.

Carte postale des années 70




L'hôtel Restaurant Le Torrent dans les années 80.



Marie-Françoise Mariani, dite "Fanfette"




Marie-Françoise Mariani, née Grimaldi (photographie prise en 1990).

Après la disparition de son mari en 1980, Marie-Françoise Mariani, dite “Fanfette”, est l’unique propriétaire d’un hôtel qu’elle gère avec ses deux filles, Marie-Lucie et Madeleine, et beaux-fils, jusqu’à son décès le 4 janvier 2004.




L'hôtel du Torrent en 1978. Interview de Marie-Françoise Mariani.



L'hôtel-restaurant Le Torrent aujourd'hui




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Le grand parc de l'hôtel
Le grand parc de l'hôtel
Le grand parc de l'hôtel
L'hôtel-restautant Le Torrent, vu du ciel

En 2004, au décès de Marie-Françoise Mariani, l’hôtel-restaurant “Le Torrent” fut mis en location-gérance.
Il est à ce jour, un des plus anciens hôtels de Corse encore en activité*.


* Thierry Ottaviani, La Corse pour les Nuls, éd. First, 2010, p. 205.

La place de l’hôtel et ses tilleuls . Photo prise au début des années 2000.



Reportage Hôtel du Torrent - France 3 Corse - Venaco (23 août 2019).




Remerciements particuliers à

Sonia d’Agrain, Caroline Ferrer, François Flori, Thérèse Ottaviani, Charles Rau, Michel Tomasi.

(© Coll. part. hôtel du Torrent pour l'ensemble des documents la page, sauf mention contraire ou lien vers autre site)


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